Filière auditive
Pour une pertinence renouvelée dans prise en charge des troubles auditifs
EPISODE 1 : l’audiométrie n’est pas tout !
La prise en charge des troubles auditifs nécessite une approche médicale rigoureuse qui ne saurait se limiter à l’acte technique d’audiométrie.
La bonne santé auditive des Français est une préoccupation majeure du CNP d’ORL et de CCF. En effet, l’ORL est par sa formation le professionnel médical de l’audition et de ses troubles. Il intervient à la phase diagnostique en établissement un diagnostic médical, précis, et propose des thérapeutiques adaptées, tenant compte du patient et de son environnement dans sa globalité. Il peut développer des solutions chirurgicales, médicamenteuses, prothétiques diverses, et plus récemment la thérapie génique qui débute chez le jeune enfant. Il a toute sa place dans le dispositif de prévention par l’organisation d’action de dépistage et leur réalisation, par la participation à des actions de formation et d’information de chacune et chacun.
EPISODE 2 : De l’importance de référentiels de bonne pratiques
Les progrès continuels dans la prise en charge des troubles auditifs nécessitent une réévaluation régulière des bonnes pratiques et une adaptation des parcours de soins.
La connaissance sans cesse meilleure de la physiologie de l’audition et de la physiopathologie de ses troubles nous oblige à adapter régulièrement les programmes de formation initiale ou continue des ORL, ainsi qu’à redéfinir l’offre de soins afin que nos concitoyens bénéficient des dernières avancées médicales ou techniques.
La prise en charge des pertes auditives des plus de 60 ans est au cœur des débats. Elle mérite par sa criticité que l’ensemble des acteurs de la filière auditive travaillent à dessiner un parcours de soins adapté afin qu’aucune option clinique, paraclinique, radiologique, médicamenteuse, génétique, prothétique, implantatoire voire rééducatives ne soit ignorée. C’est dans ce sens que le CNP. ORL a rédigé une saisine de la Haute Autorité de Santé afin de diligenter des Recommandations de Bonnes Pratiques multiprofessionnelles, actualisées et labellisées.
EPISODE 3 : L’appareillage relève d’une acte médical !
La prescription d’un appareil auditif reste un acte médical comme le souligne l’arrêté du 14 novembre 2018.
Le « 100 % santé » est un réforme majeure et innovante saluée par tous et particulièrement par le CNP d’ORL. Elle a rendu exceptionnel le renoncement à l’appareillage pour raison pécuniaire. Il faut remercier tous ceux, ministère, CNAM, complémentaires Santé dont les efforts convergents ont permis de la financer.
Mais attention ! Il ne faut pas pour autant qu’elle soit détournée de son objectif premier, comme on l’observe aujourd’hui ici ou là et pour cela:
– l’appareillage doit par nature découler d’une démarche médicale et non commerciale afin d’éviter tout conflit d’intérêt entre le prescripteur et le vendeur ;
– à toutes les étapes de sa mise œuvre il faut que s’imposent des critères de qualité, de pertinence et d’éthique. Tous les intervenants doivent s’y obliger : médecins spécialistes en ORL et en médecine générale formés à l’otologie médicale via le DPC validant (négocié par le CNP d’ORL et CCF avec le Collège de médecine générale sous l’égide de la DGS), audioprothésistes et organismes payeurs.
Le CNP d’ORL met en avant quatre règles dont le respect permet seul d’éviter des erreurs d’orientation et des sur-prescriptions :
1/ la prescription doit découler d’un examen médical rigoureux, au mieux réalisé en présentiel. Il n’est pas concevable de s’affranchir d’un interrogatoire, d’un examen clinique avec otoscopie attentive, d’une évaluation du niveau cognitif, d’un recueil des comorbidités en interactions potentielles ou démontrées avec la surdité et de tests audiométriques réalisés dans de parfaites conditions selon les critères de qualité définis par le consensus des experts de la SFORL
2/ l’examen médical préalable est essentiel pour contextualiser l’audiogramme et repérer les situations devant pondérer ou adapter la prescription. Il permet seul de repérer :
- Les obstacles dans les méats acoustiques externes à lever avant appareillage
- Les surdités mixtes bilatérales d’appréciation audiologique toujours difficiles en l’absence de contexte clinique, pouvant masquer une surdité totale, et justifiant la pratique d’assourdissements complexes relevant de l’audiométrie clinique
- Les surdités pouvant ou devant être traitées chirurgicalement
- Les surdités associées à une symptomatologie vestibulaire ou des acouphènes sévères invalidants
- Les surdités en lien avec une neuropathie auditive
- Les surdités en lien avec un pathologies uni- ou bilatérale évolutive, inflammatoire ou tumorale
- Les surdités profondes pouvant justifier du fait des comorbidités d’une implantation cochléaire précoce
- Les situations anatomiques constitutionnelles ou acquises susceptible de modifier le choix de la technique d’appareillage et de privilégier certaines solutions à composante chirurgicale (aplasie, séquelles d’otites, otites chroniques actives)
- les maladies neurologiques évolutives pour lesquelles se pose la question de l’efficacité à terme de la solution prothétique
- Les dégradations cognitives susceptibles de conduire à un échec de l’appareillage
3/ l’aide auditive doit être choisie, adaptée et régulièrement contrôlée de façon optimale au bénéfice du patient ;
4/ face à une inefficacité récemment apparue de l’appareillage, en lien avec une aggravation de la surdité, l’audioprothésiste doit au plus vite susciter une consultation auprès d’un ORL afin d’évaluer les possibilités de recours à l’implant cochléaire.
EPISODE 4 : On implante insuffisamment en France !
Le recours à l’implantation cochléaire est insuffisant pour les adultes déficients auditifs qui en ont besoin.
Force est de constater que nombre de patients éligibles à l’implantation cochléaire en reste aujourd’hui éloignés. On implante aujourd’hui insuffisamment en France face à un échec fonctionnel de l’appareillage. Beaucoup reste à faire en termes d’information des patients et de formation des professionnels de santé.
S’adresser aux déficients auditifs est crucial afin de lever les craintes et de démystifier une approche pourtant devenue banale et qui a largement fait ses preuves, plus de 30 ans après les premières implantations. Le CNP ORL soutient activement toutes les initiatives allant dans ce sens, en soulignant les efforts des associations de patients comme « France Surdité ». Éduquer les médecins l’est tout autant. Il faut inscrire dans les actions de Développement Professionnel Continue (DPC) des médecins généralistes, des ORL, et des gériatres des formations sur la place de l’implant cochléaire dans un parcours de soins optimal en fonction des caractéristiques de la surdité.
EPISODE 5 : La quantité de fait pas ma qualité !
La qualité doit être au rendez-vous du dispositif 100 %, santé, dont le résultat ne saurait se résumer à un taux d’appareillage brut de la population.
Le « 100 % santé » a permis un taux d’appareillage binaural parmi les meilleurs d’Europe. L’arrêté du 14 novembre 2018 prévoyait un suivi qualitatif de l’appareillage par les professionnels à l’aide de questionnaires. Ce suivi, plus que logique dans un programme médical d’une telle ampleur, n’a pas été totalement implémenté. Il nous semble important de le mettre en place et de le compléter par une évaluation de la « satisfaction patients » à l’aide de questionnaires simples remplis par les patients. L’utilisation des PROMs (Patient Relative Outcome Measurement) a permis d’améliorer les pratiques professionnelles (dans la cataracte par exemple). Il nous semble crucial de pouvoir implémenter une telle approche en France. Le CNP ORL travaille avec tous les acteurs pour promouvoir la mise en place d’un registre Audiologie, basé sur les PROMs, mais aussi sur des données des professionnels de santé (CROMs), afin de faire progresser la qualité du programme de réhabilitation auditive par prothèse qui ne saurait se résumer à un chiffre brut d’équipement.
EPISODE 6 : Le CNP force de proposition pour les déserts médicaux !
Le CNP travaille à un parcours de soins dans le cadre d’un article 51 pour les patients presbyacousiques des zones médicales sous-denses.
Le préalable de l’examen médical présentiel préalable peut être difficile à respecter chez des patients très éloignés dans le temps ou dans l’espace d’un médecin prescripteur ou dans l’impossibilité de se déplacer. Conscient des enjeux et de cette réalité, le CNP d’ORL et CCF a élaboré un projet pragmatique afin de faciliter l’accès des patients à une prise en charge optimale dans les zones défavorisées. Ce projet introduit le recours à une consultation médicale non présentielle de nature à créer un circuit court d’appareillage en lien avec des audioprothésistes volontaires et travaillant en réseau, tout en respectant le choix des patients. Il prend la forme d’un article 51 dont nous espérons la mise en route prochaine dans l’intérêt de ces patients.
EPISODE 7 : Il faut mieux dépister la surdité en France !
Le repérage précoce des troubles auditifs doit permettre une prise en charge adaptée la plus précoce possible à tous les âges de la vie.
En France l’appareillage auditif est souvent trop tardif par rapport à l’ancienneté de la plainte. Un repérage précoce pourrait permettre de déclencher des bilans adaptés, de poser un diagnostic et d’agir pour prévenir si faire se peut une éventuelle aggravation. Nous appelons de nos vœux l’instauration d’une politique de dépistage volontariste dans le pays pour permettre une prise en charge la plus précoce possible. Ce dépistage doit rester médicalisé. De nombreuses solutions existent dont notamment des questionnaires de qualité de vie aisément disponibles et déployables en cabinet de médecine générale. Toutes autres solutions, mettant notamment en situation des acteurs non soignants, doivent être précisément encadrées et réglementées pour écarter tout conflit d’intérêt potentiel avec la commercialisation de l’audioprothèse.